Jean-Pierre Lacroix

Jean-Pierre Lacroix


Jean-Pierre Lacroix, chef des opérations de paix de l'ONU, a dénoncé vendredi à Goma l'impact de la désinformation en RDC, affirmant que « la désinformation affecte les efforts de paix et doit être traitée comme une arme ». Il a appelé à une réponse proactive et collective pour contrer ce phénomène, notamment par la vérification des faits par les journalistes et une stratégie digitale mise en place par l'ONU.

La désinformation, qualifiée d'« arme » par Jean-Pierre Lacroix, chef du département des opérations de paix de l'ONU, est un phénomène grandissant qui affecte non seulement la RDC mais aussi de nombreux autres pays à travers le monde. Lors de sa conférence de presse à Goma, il a souligné l'impact destructeur de cette pratique et les moyens de lutte essentiels à mettre en place pour y faire face.

Un outil de manipulation des faits
Jean-Pierre Lacroix a décrit la désinformation comme un mécanisme qui perturbe la réalité en créant de fausses nouvelles. Elle s’appuie souvent sur l'accusation ou la diffusion de rumeurs pour générer des réactions émotionnelles et sociales. Cette manipulation des faits ne se contente pas de déformer la vérité, elle engendre des « morts civils » en détruisant la réputation des personnes ou des institutions visées. Dans certains cas, elle peut même provoquer des violences physiques, y compris contre des membres des Nations Unies.
« La désinformation affecte non seulement la vérité, le récit de ce qui se passe véritablement, mais crée également de fausses nouvelles. En accusant quelqu'un, cela provoque des réactions, et cela peut entraîner des morts civiques ou même des victimes, y compris parmi les collègues des Nations Unies », a déclaré Lacroix.

Propagation à grande échelle
Avec l'évolution des technologies numériques et des réseaux sociaux, la désinformation s’étend rapidement. Jean-Pierre Lacroix a alerté sur le fait que cette propagation ne se limite pas à la RDC, mais devient une menace mondiale. Les nouvelles technologies facilitent la diffusion rapide et massive de fausses informations, exacerbant les tensions et fragilisant les efforts de paix dans les zones de conflit comme l’Est de la RDC. « La désinformation est une arme qui va continuer à s'étendre, pas seulement en RDC, mais partout », a-t-il souligné.

Impact sur les opérations de paix
Lacroix a mis en lumière le lien direct entre la désinformation et les difficultés rencontrées par les missions de maintien de la paix, telles que la MONUSCO. Le sentiment anti-MONUSCO dans certaines régions de la RDC a souvent été exacerbé par des campagnes de désinformation, comme l’histoire des « kenyans », un exemple typique d’accusations non fondées qui ont alimenté la méfiance envers la mission onusienne.

« Je note qu'il y a des variations pour ce qui concerne le sentiment anti-MONUSCO, qui est pas mal alimenté ou enfoncé par des fake news de désinformation. Je note qu'il y a des variations selon les régions, selon les zones où on se trouve », a-t-il noté, ajoutant que ces campagnes varient selon les régions et zones concernées.

Une responsabilité collective
Pour contrer efficacement la désinformation, Jean-Pierre Lacroix a insisté sur la nécessité d’un effort collectif, en particulier de la part des journalistes. « Il vous appartient vraiment, en tant que journalistes, de dissocier ce qui est de l'information de ce qui est la vérité, le fait réel », a-t-il affirmé. Il a rappelé aux professionnels des médias leur rôle crucial dans la vérification des informations avant leur diffusion. La vérification des faits est la première barrière contre la propagation des fausses nouvelles.

Proactivité dans la communication
Être réactif ne suffit plus pour contrer la désinformation. Lacroix a insisté sur la nécessité d'une approche proactive, en communiquant régulièrement et de manière transparente sur les actions menées par les Nations Unies et les partenaires locaux. Il a recommandé aux médias de visiter les terrains d’intervention pour mieux comprendre et relayer les faits vérifiés.
« La meilleure manière de se défendre, c'est d'être proactif. Nous devons dire ce que nous faisons et montrer par des exemples concrets le travail réalisé », a déclaré Lacroix.

Renforcer les compétences techniques
Face à la sophistication croissante des outils de désinformation, Lacroix a encouragé le développement d'une expertise technique. Il a mentionné la mise en place, au niveau du maintien de la paix, d'une « stratégie digitale » incluant un programme spécifique pour lutter contre la désinformation. Ce programme se concentre sur la formation aux nouvelles technologies de l’information, la communication proactive et l’identification des fake news.
« Nous avons au niveau du maintien de la paix une stratégie digitale qui comprend un programme de lutte contre la désinformation », a-t-il précisé.

Un changement d’état d’esprit
La désinformation, selon Lacroix, doit être traitée comme une menace comparable à toute autre arme. Il est essentiel d’adopter un état d’esprit qui reconnaît le danger qu'elle représente et d’y répondre avec la même rigueur que l’on apporterait à des conflits armés. L'ONU encourage donc une approche systématique et anticipative pour réduire l'impact de la désinformation sur les opérations de paix.
« Il faut considérer la désinformation comme une arme, et y répondre comme on répondrait à tout autre armement », a-t-il insisté.

Un enjeu mondial

Le défi posé par la désinformation va au-delà de la RDC. Dans un monde interconnecté, les fausses informations traversent rapidement les frontières et affectent l’ensemble des efforts visant à instaurer la paix. Pour Jean-Pierre Lacroix, il est crucial de renforcer les efforts collectifs pour contrer ce phénomène destructeur, qui nuit à la vérité et compromet les progrès vers la paix. Jean-Pierre Lacroix a souligné que la lutte contre la désinformation exige non seulement des efforts techniques et des compétences, mais aussi une vigilance de tous les acteurs concernés – des journalistes aux institutions publiques. Protéger la vérité est essentiel, non seulement pour maintenir la paix en RDC, mais aussi pour renforcer la stabilité mondiale.