Sur Tik Tok, un internaute a publié le 11 décembre 2024 une vidéo dans laquelle on peut apercevoir plusieurs cercueils blancs avec des croix et des personnes qui lancent des cris de pleur. Ce compte affirme que c'est le premier lot des Kuluna qui viennent d'être exécutés en RDC. La vidéo montre l'exposition des corps des civils tués à Goma lors d'une répression armée.
Nous pouvons apercevoir dans la vidéo plusieurs cercueils blancs alignés, des croix catholiques blanches posés en dessus de quelques cercueils et des bouquets de fleurs, des personnes habillées en chasubles verts qui empêchent la foule d' atteindre le lieu où sont posés les cercueils.
La vidéo a été vue par 2 millions d'internautes sur Tik Tok le 17 décembre 2024 et partagée par plus de 15 000 personnes sur le même réseau social.
« Premier lot des Kuluna qui vient d’être exécuté en RDC », peut-on lire comme légende de la vidéo.
La vidéo montre l'exposition des corps des civils tués à Goma lors d'une répression militaire
Pour vérifier cette séquence vidéo, nous avons pris plusieurs captures d'écran de la vidéo. Nous avons ensuite utilisé la recherche inversée d'image avec Google Lens pour retracer le parcours de la vidéo sur Internet.
Nous avons trouvé un reportage de France 24 où l'on peut voir les mêmes cercueils, publié sur un site Internet qui se présente comme une société anonyme basée à Nanterre en France. Nous avons copié le texte trouvé et lancé ensuite une recherche en le plaçant entre guillemets sur le moteur de recherche Google.
Nous avons retrouvé le lien de l'édition du journal Afrique de France 24 dans laquelle on retrouve un reportage sur la répression militaire du 30 août 2023 à Goma dans l'Est de la République démocratique du Congo qui a occasionné la mort de plus de 50 civils.
Dans les premières minutes de cette vidéo de 14 minutes et 49 secondes, nous pouvons apercevoir les mêmes cercueils blancs et croix catholiques, le même endroit de l'exposition de ces cercueils que l'on peut identifier dans la vidéo qui a fait l'objet de notre recherche, les personnes habillées en chasubles verts.
Nous avons également retrouvé deux (1, 2) articles de vérification des faits qui attestent qu'il s'agit plutôt des funérailles de plus de 50 civils tués à Goma par l'armée.
L’événement du 30 août 2023 à Goma
Les militaires congolais ont réprimé avec brutalité une manifestation organisée le 30 août 2023 par un groupe politique et religieux au nom de Foi naturelle judaïque messianique vers les nations – Testament de la puissance de la parole (FNJMN), à Goma, dans l’est de la République démocratique du Congo. Ces soldats ont tué au moins 56 personnes d’après le bilan officiel. Il y a eu notamment plus de 80 blessés et 150 civils arrêtés.
Ce groupe politico-religieux dont les adeptes se désignent eux-mêmes par le terme « Wazalendo » ou « Messiatha », réclamait le départ de la Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO).
Ces faits sont rapportés par plusieurs médias (1, 2, 3, 4).
L’Amnesty International a publié sur son site un rapport le 11 décembre 2024 sur « le massacre perpétré par l’armée en RDC ».
Ce rapport renseigne que l’organisation a mené des enquêtes entre septembre 2023 et octobre 2024 en examinant les scènes de crime, en interrogeant plus de 70 personnes - dont des personnes ayant survécu à l’attaque, des témoins et des responsables, et en analysant des dossiers judiciaires et des documents officiels confidentiels.
« Le Laboratoire de preuves du programme Réaction aux crises d’Amnesty International a vérifié des dizaines de vidéos et de photos du massacre ainsi que des images satellite pour corroborer les conclusions », peut-on lire dans ce rapport d’Amnesty International.
D’après ce rapport, le massacre du 30 août est le résultat d’une série d’actions délibérées des autorités, à la suite d’une demande explicite qui leur a été adressée par la Monusco dans le but d’« interdire la manifestation ».
« Le massacre n’a pas découlé d’une bévue de la part de quelques soldats qui seraient intervenus de manière inattendue à la suite du lynchage d’un policier par des adeptes Wazalendo, comme l’affirment les autorités », indique ce rapport.
Selon la reconstitution des évènements des 29 et 30 août 2023, renseigne l’Amnesty International, le rapport montre que les soldats ont effectué la première opération visant les membres du mouvement Wazalendo vers 4 heures du matin à la station de radio. Ils ont tué au moins six personnes et arrêté d’autres, parmi lesquelles le dirigeant des Wazalendo, d’après le même rapport.
« C’est cette opération qui a déclenché la capture d’un policier vers 4 heures du matin par un groupe de membres du mouvement Wazalendo, et sa lapidation vers 6 heures du matin », rapporte Amnesty International dans son rapport.
À en croire le rapport d’Amnesty International, l’opération contre les manifestants.e.s s’est déroulée sur fond d’affirmations « injustifiées » selon lesquelles la FNJMN (Wazalendo) n’était pas une organisation enregistrée et ses activités devaient donc être restreintes.
« Les autorités ont avancé ce motif pour interdire à titre préventif la manifestation, au mépris des normes relatives aux réunions pacifiques », souligne le même rapport.
Résumé
Cette vidéo où l’on peut apercevoir plusieurs cercueils blancs avec des croix et qui prétend montrer le premier lot des Kuluna qui vient d'être exécuté en RDC est détournée de son contexte.
Faux
Christian Malele