Un compte TikTok publie le 8 janvier 2024 une séquence vidéo de 7 secondes dans laquelle nous pouvons voir un groupe de policiers alignés sur une voie dont l’un d’eux ouvre le feu. La légende affirme que c’est l’exécution des Kuluna, des bandits urbains se trouvant à Kinshasa et dans d’autres provinces du pays. Attention : il s’agit plutôt de la répression, par la police, d’une marche des étudiants à Kalemie dans la province du Tanganyika.
Dans la vidéo, nous pouvons apercevoir vers le haut une image montrant deux hommes ligotés chacun sur un poteau. Nous trouvons aussi des policiers qui portent évidemment leurs tenues, alignés sur une route et l’un d’eux ouvre le feu. Nous pouvons également apercevoir quelques civils derrière les policiers mais en dehors de la chaussée où se tiennent ces derniers. On peut aussi entendre quelqu’un s’exprimer en swahili dans la vidéo.
La vidéo a été vue plus de 74 000 fois le 8 janvier 2025 sur ce compte TikTok ayant plus de 228 000 abonnés en la même date.
« CONSTANT MUTAMBA SERA ARRÊTÉ À LA CPI UN JOUR, C’EST PAS NORMAL CA OU EST LE DROIT DE L’HOMME” et “LES KULUNAS EXECUTE », les légendes collées sur la vidéo.
Rien à voir avec l’exécution des Kuluna en RDC
Nous avons observé plusieurs fois la vidéo. Nous avons remarqué que la photo n’a pas un lien direct avec la vidéo. Les images dans la vidéo montrent le feu que le policier qui a ouvert le feu a tiré en l’air et la fumée blanche découlant de ce coup de feu ressemble à celle d’un gaz lacrymogène. Le policier qui a ouvert le feu se trouve plutôt derrière ses collègues policiers alignés en avant et qui portent des casques au lieu d’être devant.
Nous avons également pu identifier l’identifiant du compte TikTok à l’origine de la vidéo. Nous avons écrit dans la barre de recherche de ce réseau social “@user6776303027378” et nous avons retrouvé la vidéo sur ce compte appartenant à Kayembe. Elle a été publiée le 24 décembre 2024 soit deux semaines avant le compte qui atteste qu’il s’agit de l’exécution des Kuluna.
L’auteur de la publication atteste qu’il s’agit d’une marche de protestation des étudiants qui ont vu leurs concessions être ravies, ce qu’on peut comprendre en français d’après la déclaration de l’internaute en lingala, l’une des langues nationales en République démocratique du Congo.
La manifestation des étudiants à Kalemie
Nous avons trouvé un article du média en ligne depeche.cd qui relate l’événement.
« Kalemie, 24 décembre 2024- des barricades sont visibles sur le Boulevard Lumumba en plein centre-ville de Kalemie, chef-lieu de la province du Tanganyika », peut-on lire dans l’article.
D’après les informations rapportées par ce média, la manifestation a eu lieu le 24 décembre, ce qui correspond exactement à la date de la publication de l’internaute qui atteste qu’il s’agit de la manifestation des étudiants dans le territoire de Kalemie au Tanganyika.
Depeche.cd indique, dans son article, qu’il s’agit des manifestations entamées par des étudiants de l’Université de Kalemie (UNIKAL) contre l’occupation présumée du site universitaire de Lukwangulo. Ce qui correspond aussi avec la description de l’internaute auteur de la publication de la vidéo sur TikTok qui a fait l’objet de notre recherche.
Nous avons également trouvé une vidéo du même événement sur Facebook où nous pouvons voir les étudiants de l’Université de Kalemie manifester contre « la spoliation de leur site de Lukwangulo ».
Les condamnations à mort des bandits urbains appelés « Kuluna »
Le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, a rapporté lundi 13 décembre 2024 que l’opération “Ndobo” contre le banditisme urbain a débuté dans la nuit du 6 au 7 décembre 2024 avec le déploiement des éléments du Commissariat provincial de Kinshasa appuyé par ceux de l’UPI/HP et ceux de la Légion nationale d’intervention avec 7 postes de commandement. Ce qu’on peut lire dans le compte-rendu de la 26ème réunion ordinaire du conseil des ministres.
« A ce jour, 784 inciviques sont en détention préventive pour être déférés devant la justice à travers les audiences foraines. Le Commandement Général de la Police Nationale est instruite pour la duplication de cette opération dans toutes les villes du pays où sévit la criminalité urbaine », rapporte Patrick Muyaya dans le même rapport du 13 décembre 2024.
Le ministre d’Etat de la justice et garde des sceaux, Constant Mutamba, a déclaré le 6 janvier 2025 être fier du travail abattu par ses juridictions qui ont condamné plus de 300 Kuluna à l’issue de plus de 11 audiences foraines. C’était lors du briefing presse du ministre de communication et médias Patrick Muyaya.
Il a expliqué que sur le volet juridictions militaires, le gouvernement s'appuie sur les articles 157 et 158 du code pénal militaire et des dispositions du code judiciaire militaire, notamment en ce qui concerne l'infraction du terrorisme. Les actes que posent ces bandits relèvent du terrorisme, selon lui.
Dans les juridictions civiles, l’opération « Ndobo » est exécutée conformément à l'article 257 du code pénal ordinaire qui prévoit l'infraction d'association des malfaiteurs, punie par la peine de mort, d’après le ministre de la justice.
Jusque-là, il n’y a aucune preuve qui atteste que les Kuluna condamnés à la peine capitale ont été tués.
La directrice adjointe du programme Afrique de l’Est et Afrique australe d’Amnesty International Sarah Jackson a déclaré mardi 7 janvier 2025 que « le président Félix Tshisekedi doit immédiatement, publiquement et sans ambiguïté mettre un terme à tout projet d’exécution de personnes dans la prison d’Angenga ou ailleurs ». C’est en réaction aux informations d’après lesquelles plus de 170 personnes condamnées à mort ont été transférées à la prison d’Angenga, dans la province de la Mongala en RDC, en vue d’être exécutées, peut-on lire sur le site internet d’Amnesty International.
« Le Parlement devrait adopter un moratoire sur les exécutions, en attendant l’abolition totale de la peine de mort », a-t-elle déclaré.
Sarah Jackson demande aux autorités congolaises de mettre un terme aux transferts massifs des Kuluna vers des prisons éloignées.
« Les autorités doivent également mettre un terme aux transferts massifs vers des prisons éloignées, notamment Angenga, où des dizaines de détenus sont déjà morts de faim et de maladie. Toute personne transférée de sa région d’origine doit être transférée dans un établissement facilement accessible aux avocats, aux proches et aux organisations de défense des droits de l’homme, et tous doivent être informés de son lieu de détention. », peut-on lire sur le site d’Amnesty International.
Résumé
La vidéo montre plutôt une répression policière lors d’une marche de protestation des étudiants dans le territoire de Kalemie dans la province du Tanganyika en RDC.
Faux
Christian Malele