Constitution RDC

Constitution RDC


Lokuta Mabe lance sa veille thématique mensuelle consacrée à la désinformation en RDC.
Cette production vise à mettre en lumière, chaque mois, une thématique qui alimente les débats publics et génère de la désinformation ou de la mésinformation. L'objectif est d'apporter un éclairage sur les enjeux, les caractéristiques, les acteurs impliqués, ainsi que sur les stratégies et techniques employées pour diffuser ces contenus trompeurs.

Nos équipes scrutent minutieusement Internet pour vous offrir une analyse approfondie et rigoureuse, contribuant ainsi à mieux comprendre les mécanismes de la désinformation et à renforcer l'esprit critique face à ce fléau.

Ce mois de janvier 2024, nous vous proposons de décrypter la polémique concernant la révision ou le changement de la Constitution en RDC. Ce débat a mis en lumière une prolifération de désinformation et de récits manipulatoires, principalement sur les réseaux sociaux. Ces contenus, souvent fallacieux, jouent sur les sensibilités politiques et sociales de la population pour exacerber les tensions et fragiliser la confiance dans les institutions. Cette analyse examine les caractéristiques, les acteurs, les formats, et les stratégies de cette désinformation, tout en fournissant des exemples concrets.

Chronologie

Le phénomène a émergé en octobre 2024, lorsque Félix Tshisekedi a ouvertement évoqué la possibilité de réviser la Constitution, estimant qu’elle comportait des « faiblesses » nécessitant des ajustements. La désinformation a ensuite gagné en intensité en novembre, parallèlement aux déclarations faites par des membres de l’opposition et de figures religieuses. Les réseaux sociaux ont joué un rôle clé dans l’amplification des fausses informations, notamment à travers des publications virales et des contenus manipulés.

Un exemple marquant est la vidéo du pasteur François Mutombo, publiée le 16 novembre 2024. Dans cette séquence, visionnée plus de 95 000 fois, le pasteur prétend qu’un article inexistant de la Constitution autorise la cession de territoires. Cette affirmation, reprise par d’autres acteurs, a alimenté un climat de méfiance et de tension au sein de la population.

Caractéristiques

La désinformation sur la Constitution congolaise se distingue par son caractère émotionnel et manipulateur. Les récits véhiculés ciblent des thématiques sensibles, notamment la souveraineté territoriale, le panafricanisme, et les intentions politiques supposées du gouvernement actuel. Par exemple, des affirmations fausses ont circulé selon lesquelles la Constitution permettrait à la RDC de céder 300 kilomètres de son territoire pour préserver la paix avec des pays voisins. Cette désinformation, largement diffusée, exploite l'article 217 de la Constitution, qui parle d’un abandon partiel de souveraineté pour promouvoir l’unité africaine, mais ne fait aucune mention de cession de territoire.

La désinformation est également alimentée par des discours visant à discréditer les intentions du président Félix Tshisekedi. Certains contenus insinuent que l’objectif de cette révision serait de permettre au chef de l’État de briguer un troisième mandat, bien que celui-ci ait explicitement nié toute volonté de prolonger son temps au pouvoir.

Récits et narratifs dominants

Les récits propagés par la désinformation sur la Constitution se concentrent sur plusieurs axes principaux :

  1. Souveraineté territoriale menacée : L’affirmation selon laquelle la Constitution permettrait de céder des territoires a été un thème récurrent. Ces récits jouent sur les craintes liées à la perte de souveraineté nationale.
  2. Intentions cachées du président : Les critiques insinuent que Félix Tshisekedi chercherait à prolonger son mandat sous couvert de révision constitutionnelle.
  3. Division nationale : Certains récits exploitent les tensions régionales et ethniques, en liant la révision constitutionnelle à des projets de « balkanisation » de la RDC.

Les auteurs et diffuseurs

Les auteurs de cette désinformation sont variés, allant des figures publiques aux groupes anonymes sur les réseaux sociaux. François Mutombo, un entrepreneur religieux, a utilisé sa position pour propager des récits faux dans sa communauté religieuse. Son message a été amplifié par des acteurs politiques, comme Augustin Kabuya, secrétaire général de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), qui a publié un audio affirmant que la Constitution permettait de céder des territoires au nom du panafricanisme.

En outre, des comptes anonymes sur des plateformes comme X et Facebook ont joué un rôle central dans la diffusion de ces récits. Par exemple, une page Facebook gérée depuis le Royaume-Uni, comptant plus de 214 000 abonnés, a régulièrement partagé des contenus manipulateurs sur le sujet. On retrouve également des milices numériques ou encore des influenceurs digitaux.

Formats et stratégies de la désinformation

La désinformation s’est manifestée sous divers formats, adaptés à la dynamique des réseaux sociaux :

  • Vidéos manipulées : Certaines vidéos été sorties de leur contexte pour appuyer des récits fallacieux. Une autre vidéo impliquant Vital Kamerhe, datant de 2016, a été réutilisée pour suggérer qu’il s’opposait à la révision constitutionnelle actuelle, bien qu’elle n’ait aucun lien avec le contexte actuel.
  • Audios alarmistes : Des enregistrements sonores, souvent accompagnés de visuels sensationnalistes, ont été utilisés pour véhiculer des messages de peur et de division.
  • Publications écrites virales : Des posts sur Facebook et X, parfois accompagnés de fausses citations ou de photos modifiées, ont renforcé la désinformation en touchant un large public.
  • Messages sur WhatsApp : Ces messages, relayés de manière cryptée, sont difficiles à tracer, mais leur impact est significatif en raison de leur diffusion rapide et massive.

Ces formats ont permis une large diffusion des récits manipulatoires, souvent sans possibilité immédiate de vérification par les internautes.

Conséquences et enjeux

La désinformation sur la Constitution a eu des effets significatifs sur le climat politique et social en RDC. Elle a exacerbé les tensions ethniques, renforcé la méfiance envers les institutions et créé un climat de confusion généralisée. De plus, elle menace la stabilité politique en détournant le débat public de ses enjeux réels.

La désinformation autour de la révision constitutionnelle en RDC met en lumière les défis liés à l’usage manipulatoire de l’information dans les contextes politiques sensibles. Une réponse collective et coordonnée est nécessaire pour préserver la cohésion sociale et renforcer la confiance dans les institutions. Le rôle des médias, des leaders d’opinion et des plateformes numériques sera déterminant pour limiter l’impact de ces campagnes de manipulation.