Un rapport publié cette semaine par le réseau de veille sur les infodémies met en lumière une montée inquiétante de la désinformation sanitaire en République démocratique du Congo, survenue entre le 24 et le 30 avril 2025. Le document identifie plusieurs foyers de rumeurs et de contenus hostiles, particulièrement dans les provinces du Kasaï, du Kwilu et de l’Ituri, sur fond de méfiance persistante envers les services publics de santé et les partenaires internationaux.
Dans le Kasaï, le rapport signale une recrudescence de rumeurs accusant les agents de santé de détourner les médicaments gratuits contre le paludisme à des fins lucratives. Cette suspicion, alimentée par des ruptures réelles d’intrants dans certaines structures sanitaires, a contribué à renforcer la perception d’un système de santé corrompu, éloignant davantage les populations des centres de soins publics.
Au Kwilu, la campagne de vaccination contre la poliomyélite a été l’objet d’une vive hostilité sur les réseaux sociaux et dans certaines localités. Des contenus largement partagés affirmaient que les vaccins étaient utilisés pour stériliser les enfants congolais. Ces narratifs, déjà présents lors de précédentes campagnes, semblent ressurgir à chaque opération de santé publique, selon les auteurs du rapport.
En Ituri, c’est la peur d’un nouveau virus qui s’est emparée des réseaux sociaux. Des publications annonçaient une mystérieuse "fièvre hémorragique", sans aucune confirmation officielle. Le rapport précise qu’aucune déclaration d’épidémie n’a été faite par les autorités sanitaires à cette date, mais note que cette rumeur a trouvé un écho important dans une population déjà marquée par les conflits et les précédentes crises sanitaires.
Le document classe ces épisodes dans différentes catégories d’infodémies, notamment la méfiance institutionnelle, la désinformation vaccinale, les rumeurs épidémiques, ou encore les contenus complotistes à tonalité anti-État et anti-occidentale. Il relève que ces discours infodémiques s’appuient souvent sur une mémoire collective de crises antérieures, telles que l’épidémie de COVID-19 ou les tensions liées à Ebola, et exploitent des failles communicationnelles de la part des autorités.
Les auteurs du rapport appellent à une amélioration de la communication institutionnelle, estimant que "les informations factuelles sont souvent diffusées sans explication suffisante", ce qui ouvre la voie à de nombreuses interprétations erronées. Ils recommandent également un meilleur accompagnement des décisions sanitaires sensibles – comme la fermeture de marchés pour raisons d’hygiène – par des messages pédagogiques et des relais communautaires de confiance.
Face à une infodémie persistante et polymorphe, les acteurs de santé publique sont appelés à adapter leurs stratégies de communication et à intégrer plus systématiquement les dynamiques locales de perception et de rumeur dans leurs interventions.
- Ce « Rapport sur les tendances infodémiques du 24 au 30 avril 2025 » est un document hebdomadaire (n°159) publié par l’Alliance pour la riposte contre l’infodémie en Afrique (AIRA), un réseau coordonné par le Bureau régional de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour l’Afrique.
- Ce rapport, mis en ligne le 6 mai 2025, repose sur une analyse de l’écoute sociale en ligne, identifiant les rumeurs, controverses et désinformations liées à la santé publique dans plusieurs pays africains, notamment en République démocratique du Congo, au Malawi, au Kenya et en Angola