Depuis quelques jours, il s’observe une polémique sur les réseaux sociaux autour du changement ou de la révision constitutionnelle en RDC. Par exemple, dans une vidéo d’une minute et 54 secondes publiée le 16 novembre sur X, un pasteur congolais, François Mutombo, appelé aussi “Voici l’homme”, représentant de la Communautés des Assemblées chrétiennes Voici l’homme (CACVH), déclare qu’un article de la constitution de la RDC dit que le Congo, au nom de la paix, peut céder 300 kms de son territoire dans le but d’éviter les conflits avec les pays voisins. Pourtant, c'est faux. Dans le même registre, le secrétaire général de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS/Tshisekedi), Augustin Kabuya, publie un audio dimanche 17 novembre sur X où on entend une personne affirmer qu’un article de la constitution de la RDC dispose que le pays peut donner une partie de son territoire pour promouvoir le panafricanisme. Attention : cet article n’existe pas dans la constitution de la RDC.
Le pasteur, dans la vidéo, se trouve dans son église située dans la commune de Kinshasa. Nous pouvons apercevoir les fidèles dans l’église. Nous pouvons l’entendre dire dans cette séquence vidéo qu’il n’est pas politicien, qu’il ne fait campagne pour personne. Dans l’audio de 2 minutes et 22 secondes publié par Augustin Kabuya, nous pouvons entendre la voix d’un homme et qui appelle les Congolais à se réveiller en lisant leur constitution. Le son s’accompagne d’une image présentant la carte de l’Afrique et un texte vers le bas à gauche : « complot contre la RDC».
La séquence vidéo a été vue plus de 95 000 fois et partagée 131 fois sur X en date du 17 novembre et l’audio écouté par plus de 60 000 personnes le même jour sur X sur ce compte suivi par plus de 333 000 internautes.
« Un article dit ceci : “Congo, notre pays, s’il a un petit souci avec un voisin [...] Au nom de la paix, pour éviter des conflits, nous pouvons leur céder 300 Kms de notre territoire. Mais c’est dans votre constitution, vous avez ça et c’est dit comme ça” », déclare le pasteur et dans l’audio on peut entendre ces paroles :« Il y a même un article qui parle que la République démocratique du Congo peut donner une partie de son territoire pour promouvoir le panafricanisme ».
#RDC… La campagne de sensibilisation pour le Changement de la Constitution désormais dans les églises… Après L’UDPS, Les églises prennent le relais. L’endoctrinement !! pic.twitter.com/Oq1tWMUpy3
— Peter Tiani (@petertiani007) November 16, 2024
Veuillez suivre cette information pic.twitter.com/e4M4eJOtnK
— Augustin KABUYA (@AugustinKabuyaT) November 17, 2024
L’article prétendant prévoir l’abandon de 300 kms du territoire national n’existe pas dans la constitution de la RDC
Nous avons fait un tour sur la page Facebook du pasteur François Mutombo pour retrouver l’intégralité de la vidéo. Nous avons retrouvé cette vidéo de 8 heures du temps. C’est à la 6ème heure et 11 minutes de la vidéo que nous pouvons écouter le pasteur tenir l’affirmation faisant l’objet de notre notre recherche.
Nous avons ensuite parcouru la constitution du 18 février 2006 de la République démocratique du Congo et n’avons trouvé l’article dont parle le pasteur François Mutombo et la personne parlant dans l’audio publié par Augustin Kabuya.
Nous avons plutôt trouvé l’article 214 de la constitution de la RDC qui dispose qu’aucune cession, aucun échange ou aucune adjonction de territoire n’est valable sans l'accord du peuple Congolais consulté à travers un référendum.
« Les traités de paix, les traités de commerce, les traités et accords relatifs aux organisations internationales et au règlement des conflits internationaux, ceux qui engagent les finances publiques, ceux qui modifient les dispositions législatives, ceux qui sont relatifs à l'état des personnes, ceux qui comportent échange et adjonction de territoire ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu'en vertu d'une loi. Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n'est valable sans l'accord du peuple congolais consulté par voie de référendum », peut-on lire dans l’article 214 de la constitution.
Nulle part, il est mentionné la cession de 300 Kms du territoire national de la RDC et rien ne peut se faire sans l’accord de tout le peuple.
Nous avons également trouvé l’article 217 de la constitution de la RDC qui dispose que le pays peut conclure des traités ou accords comportant un abandon partiel de sa souveraineté pour promouvoir l’unité africaine sans souligner précisément la cession de territoire en cas de conflit ni les kilomètres de l’espace à céder.
« La République Démocratique du Congo peut conclure des traités ou des accords d'association ou de communauté comportant un abandon partiel de souveraineté en vue de promouvoir l'unité africaine », dispose l’article 217.
D’après Carlos Mupili, professeur de Droit, l'abandon partiel de la souveraineté nationale est la décision que “chaque État partie aux traités en matière de droit communautaire (Organisation régionale ou sous régionale) de renoncer à l'une ou quelques attributs de sa souveraineté nationale dont par exemple la monnaie, la justice, les recettes fiscales douanières, les visas pour l'immigration, etc”.
Le débat sur le changement ou la révision de la constitution
Nous avons mené des recherches avec des mots clés « changement de la constitution en RDC » sur Google pour retrouver la première fois où le président congolais Félix Tshisekedi a évoqué le changement de la constitution congolaise.
Nous avons trouvé un article publié le 23 octobre 2024 sur le site officiel de la présidence de la RDC.
Le site Internet de la présidence de la RDC rapporte que le président Félix Tshisekedi a abordé la question de la révision constitutionnelle en disant : « N’ayez pas peur. Notre constitution contient des faiblesses, il est bon que notre élite y réfléchisse ».
La présidence de la RDC rapporte dans le même article que le président Félix Tshisekedi a fait savoir que les motivations de ladite révision constitutionnelle sont entre autres la lenteur dans la mise en place des institutions après les élections et la vulnérabilité du mandat des gouverneurs de provinces.
« La révision ou le changement de la Constitution n’est pas à confondre avec le nombre de mandats qui nécessitent un référendum », a ajouté le président Félix Tshisekedi, rapporte la présidence de la RDC.
L’Agence congolaise de presse (ACP) rapporte dans un article publié samedi 16 novembre que le président Félix Tshisekedi a réitéré sa détermination à réviser ou changer la constitution du pays. C’était lors d’un meeting qu’il a tenu à la place de la Poste à Lubumbashi, province du Haut-Katanga le même samedi dans la soirée.
« Qui est celui-là qui va m’interdire, moi le garant de la Nation de ne pas le faire ? Il y a eu désorientation sur ce que j’avais dit à Kisangani. Car ce que j’avais dit à Kisangani n’avait rien n’avoir avec un quelconque troisième mandat », a déclaré Félix Tshisekedi lors du meeting, rapporte le même article de l’ACP.
Nous avons mené des recherches pour savoir ce que l’opposition dit au sujet du changement ou de la révision constitutionnelle en RDC. Sur X par exemple, l’opposant Moïse Katumbi a fait un tweet le 17 novembre où il affirme que le président Félix Tshisekedi « prétend que pour mieux diriger, il doit changer la Constitution qui serait la cause des misères de la population ». Il ajoute dans le même tweet qu’à cette allure, « un dictateur risque de finir seul, chassé et abandonné, laissant derrière lui un peuple en révolte ».
Radio Okapi rapporte, dans son article du 9 novembre, que plusieurs personnalités politiques, les mouvements citoyens, des partis de l’opposition ont lancé le même jour un appel contre le changement de la constitution et l'éventuel troisième mandat du président congolais Félix Tshisekedi.
« Ils annoncent une série d'actions d'envergure, à l’échelle nationale et dans la diaspora, pour lutter contre cette réforme, qui, selon eux, met en péril la liberté et la continuité du processus démocratique », peut-on lire dans le même article de Radio Okapi.
Résumé
Il est prévu nulle part dans la constitution de la RDC l’abandon de 300 Kms du territoire national à un pays voisin au nom de la paix en cas de conflit ou pour promouvoir l’africanisme.
Faux