Lokuta Mabe lance sa veille thématique mensuelle consacrée à la désinformation en RDC. Cette production vise à mettre en lumière, chaque mois, une thématique qui alimente les débats publics et génère de la désinformation ou de la mésinformation. L'objectif est d'apporter un éclairage sur les enjeux, les caractéristiques, les acteurs impliqués, ainsi que les stratégies et techniques employées pour diffuser ces contenus trompeurs.
Nos équipes scrutent minutieusement Internet pour vous offrir une analyse approfondie et rigoureuse, contribuant ainsi à mieux comprendre les mécanismes de la désinformation et à renforcer l'esprit critique face à ce fléau.
Nous vous proposons un décryptage sur le phénomène de désinformation autour de la situation sécuritaire au Nord et Sud-Kivu du mois de février 2025. Ces conflits armés dans l'est de la République démocratique du Congo ont alimenté la désinformation, essentiellement sur les réseaux sociaux. Ces contenus diffusés massivement sur Internet jouent sur les sensibilités politiques et sociales de la population pour intensifier les tensions entre communautés en RDC et fragiliser la confiance dans les institutions. Cette analyse examine les caractéristiques, les acteurs, les formats, et les stratégies de cette désinformation, tout en fournissant des exemples concrets.
Les fausses informations sur la situation sécuritaire dans l'est de la RDC a pris de l'ampleur vers la fin du mois de janvier suite à l'avancée de l'Alliance fleuve Congo-M23 vers la ville de Goma dans la province du Nord-Kivu. La situation s'est amplifiée une fois après l'occupation de la ville de Goma et de Bukavu dans la province du Sud-Kivu par l'AFC/M23. Les réseaux sociaux ont, principalement X et TikTok, joué un rôle important dans la dissémination des contenus truqués notamment des photos, vidéos, des audios, des affirmations et des contenus générés par Intelligence artificielle.
Les cas les plus frappants dans cette situation d'incertitude ont été celui des fausses affirmations et images (vidéos) sur la non occupation de la ville de Goma par l'AFC/M23 notamment sur la prise de l'aéroport de Goma. Aussi, sur la prise par les combattants de l'AFC/M23 de la ville de Bukavu au Nord-Kivu.
Caractéristiques
Les fausses informations autour de la situation sécuritaire dans l'est de la RDC notamment dans le Nord et Sud-Kivu se distinguent par leur caractère émotionnel et trompeur. Les déclarations et contenus véhiculés touchent des thématiques sensibles notamment les prétendues intentions de balkanisation de la RDC, les affrontements armés dans l’est de la RDC et les faiblesses de l’appareil sécuritaire congolais et sur les menaces de la cohésion nationale. Plusieurs affirmations sans preuves sur la non résistance des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et les Wazalendo face à l’avancée du M23 dans le Nord et Sud-Kivu ont circulé abondamment au mois de février. Aussi, sur une prétendue fuite des FARDC au niveau de l’aéroport de Kindu dans la province du Maniema.
La désinformation a aussi tourné autour des clips générés par Intelligence artificielle attribués à plusieurs artistes tels que Dadju, Gims…
Récits et narratifs dominant
Les allégations sur les conflits armés dans l’est de la République démocratique du Congo ont tourné autour des plusieurs axes principaux à savoir :
- Les prétendues intentions de balkanisation de la RDC
Les affirmations selon lesquelles le président congolais aurait un plan de balkaniser la RDC en offrant les territoires occupés à l’AFC/M23. Sur l’abandon de certaines communautés dans l’est du pays par le gouvernement de Kinshasa et une prétendue épuration ethnique par ce dernier dans le coin.
- Les affrontements armés dans l’est de la RDC
Des images, vidéos et affirmations selon lesquelles la ville de Goma et de Bukavu n’étaient pas occupées par l’AFC/M23 après plusieurs jours d’affrontements avec les FARDC/Wazalendo.
- Les faiblesses de l’appareil sécuritaire congolais
De nombreuses affirmations sur la fuite des FARDC et Wazalendos après l’avancée de l’AFC/M23 vers Goma et Bukavu sans quelques formes de résistance.
- Les menaces sur la cohésion nationale
Des déclarations sur les prétendues attaques des swahiliphones dans la ville de Kinshasa, capitale de la RDC.
Les auteurs et diffuseurs
Les désinformateurs sont de plusieurs catégories : des politiques, des influenceurs sur les réseaux sociaux, des journalistes et médias ainsi que des comptes réseaux sociaux anonymes.
Ces différents acteurs partagent les mêmes contenus pour amplifier leur démarche de manipulation du public principalement sur les réseaux sociaux. Par exemple, le partage massif des photos prétendant montrer l’aéroport de Kindu dans la province du Maniema abandonné par les Forces armées de la République démocratique du Congo suite à la prise de la ville de Bukavu dans le Sud-Kivu par l'AFC/M23.
Formats et stratégies de la désinformation
La manipulation de l’information a pris plusieurs formes en cette période des conflits armés :
Photos et vidéos manipulées ou hors contexte : des images et séquences vidéos utilisées pour semer la terreur, la confusion et créer la méfiance entre communautés et vis-à-vis des institutions du pays ont été largement diffusées. Par exemple, une vidéo prétendant montrer la fuite sur moto du gouverneur du Sud-Kivu Jean-Jacques Purusi.
- Déclarations : des propos complètement fabriqués, modifiés ou hors contexte ont contribué à la désorientation du public.
- Messages sur Whatsapp : des allégations, photos et vidéos sans preuve ni source ont été transférées plusieurs fois sur ce réseau social.
Conséquences et enjeux
Les effets de la désinformation sur les conflits armés dans l’est de la RDC sont remarquables au sein de la communauté congolaise. Ces fausses informations sont à l’origine de déplacements massifs des populations fuyant les affrontements armés dans certains coins dans l’est de la RDC, de l’amplification des tensions ethniques, de la démobilisation de la population et la méfiance envers les autorités notamment entre communautés. L’absence de la vraie information sur la situation sécuritaire dans l’est de la RDC a favorisé la prolifération des fausses informations.
La désinformation pendant cette période des conflits armés en RDC a révélé les défis relatifs à la gestion de l’information en situation de guerre au sein du pays. La liberté par les médias et journalistes d’informer le public et le contrôle des contenus publiés à travers les médias traditionnels et Internet selon les lois déjà s'avèrent nécessaires pour limiter ou réduire la prolifération des fausses informations autour de ces conflits armés.